Mgr Paul-André Durocher

 

Mgr Durocher : « Ce texte est le fruit d’un processus synodal réussi »

tant de la Conférence des évêques du Canada, Paul-André Durocher réagit pour La Vie à la publication de l’exhortation apostolique. Il a participé aux deux assemblées du synode sur la famille, au cours duquel il fut l’auteur d’un rapport de groupe très remarqué. Il y proposait notamment une réflexion sur la synodalité.

« Ma première réaction après l’avoir lu, c’est un plaisir de lecteur : ce texte est très beau à lire, très inspirant. Ce texte du pape François respire continuellement la tendresse, l’allégresse et la compassion. Le pape nous recommande, dans l’introduction, de ne pas tout lire d’un coup et c’est très vrai : il faut le lire morceau par morceau pour bien goûter sa saveur.

Je vois dans ce texte le fruit d’un processus synodal réussi. Le pape parlait, au cours d’un discours pendant le synode, d’un cheminement en trois temps : un temps où les évêques écoutent le peuple de Dieu, un deuxième temps où les évêques s’écoutent les uns les autres devant le pape, et un troisième temps où le pape s’exprime et où, ensemble, nous écoutons le pape. Cette circularité du mouvement synodal est réalisée dans ce texte car le pape cite de très larges extraits de la relation finale du synode qu’il commente ensuite. Cette exhortation apostolique témoigne du fait que le pape, qui a énormément écouté, prend maintenant la parole et nous invite à l’écouter.

Amoris Laetitia se présente comme un texte de sagesse, pas comme un texte de doctrine. La doctrine reçue, le pape la reconnaît et l’adopte, mais ne s’évertue pas à la répéter. C’est un texte sur la sagesse tournée vers la vie conjugale et familiale. En ce sens, de larges passages seront d’une grande utilité aux couples eux-mêmes. Je pense au long chapitre 4 sur l’amour conjugal, au chapitre 5 sur le don de la vie, au chapitre 7 sur l’éducation des enfants…il y a de quoi nourrir la pensée, la vie, l’action et la prière d’un couple !

Ce texte se présente aussi comme un défi aux paroisses, car il les invite à une attention aux familles que peu d’entre elles réussissent à véhiculer. Le pape insiste énormément sur l’accompagnement des jeunes couples dans leurs premières années de mariage, sur l’accompagnement dans les moments de crises, ou encore au moment des deuils : il souligne la capacité d’accueil et d’intégration dont doit faire preuve chaque paroisse envers les couples fragilisés ou qui n’ont pas réussi leur projet de mariage. Dans ce sens là, le pape invite à ce que nos communautés pratiquent la miséricorde et la compassion. C’est un grand défi pour nos paroisses !

L’exhortation apostolique constitue un guide de réflexion pour l’action pastorale des prêtres, des agents de pastorale, des accompagnateurs spirituels, surtout dans le chapitre 8 où le pape présente des critères assez subtils sur l’accompagnement, sur la formation de la confiance, sur le lien entre la loi générale et le vécu concret des individus. Tout cela constitue une matière extrêmement riche pour la formation de nos prêtres et agents de pastorale. Ce regard très nuancé sur l’accompagnement constitue peut-être un des points de nouveauté de cette exhortation. Le pape prévient en préambule que les conférences épiscopales et les diocèses vont devoir travailler toutes ces questions en appelant à “des solutions plus inculturées, attentives aux traditions et aux défis locaux“ : on a du pain sur la planche !

Enfin, je dirais que ce texte n’est pas seulement pour les catholiques car il contient une invitation au monde entier à porter un nouveau regard sur la réalité de la famille, à découvrir cette beauté et ce grand défi qu’est la vie familiale ainsi que son importance fondamentale pour nos sociétés d’aujourd’hui. Amoris Laetitia est une invitation à se pencher sur cette réalité tellement humaine et fragile qu’est la famille. »