Mgr Vesco

« Les divorcés remariés ne devraient plus être un sujet pour l’Église »

Dans son ouvrage « Tout amour véritable est indissoluble » (1), l’évêque d’Oran Mgr Jean-Paul Vesco, affirme que l’Église peut changer la discipline sur les divorcés remariés sans remettre en cause la doctrine de l’indissolubilité du mariage, mais au contraire pour l’honorer davantage. Rares sont les évêques qui ont décidé d’apporter leur contribution publique au débat lancé par le pape François entre les deux Synodes sur la famille.

 

Pourquoi avoir écrit un livre sur les divorcés remariés ?

Mgr Jean-Paul Vesco : La discipline de l’Église à l’égard des divorcés remariés me blesse et, à vrai dire, me révolte depuis longtemps en raison de la violence inutile qu’elle fait subir aux personnes concernées, sans aucune distinction de leur situation individuelle.

Je souffre aussi du mal que fait cette disposition à l’image de l’Église, car elle est de l’ordre du contre-témoignage. Il ne s’agit pas pour moi de remettre en cause l’indissolubilité du mariage sacramentel. Celui-ci est la plus haute concrétisation du projet de Dieu pour l’homme et la femme.

Je crois cependant que la doctrine classique sur le mariage autorise une autre discipline en cas de remariage. L’actuelle, qui prive ceux qui se remarient du sacrement de réconciliation et de l’eucharistie, n’est respectée par quasiment personne. Je connais très peu de parents, dont les enfants ont divorcé, qui prient pour qu’ils ne se remarient pas.

Certaines personnes, par fidélité au premier « oui » qu’elles ont prononcé, décident de ne pas se remarier. C’est très bien que l’Église encourage le choix du célibat parce qu’il représente un signe magnifique de l’indissolubilité de l’amour. Mais il relève de l’appel personnel et ne peut être la voie unique imposée de l’extérieur.

Entrer dans une nouvelle alliance après l’échec d’un premier mariage, ce n’est pas renoncer à l’appel à la sainteté de tout baptisé. On ne peut pas fermer toutes les portes après un premier mariage, sous peine d’absolutiser, voire d’idéologiser l’indissolubilité du mariage. Au nom de l’indissolubilité, l’Église n’a pas le pouvoir de demander de se séparer à des personnes qui ont scellé une deuxième alliance fidèle.

Cela ne risque-t-il pas de décourager tous ceux qui cherchent à rester fidèles à leur première alliance ?

Mgr J.-P. V. : L’Église reconnaît, dans le n° 83 de Familiaris Consortio, qu’un mariage peut échouer, qu’il vaut mieux parfois rompre une alliance et que l’on peut être innocent dans cette rupture.

Elle dit aussi qu’il convient de distinguer les responsabilités mais elle ne tire pas les conséquences de ces distinctions. Et elle assimile à un adultère toute autre relation après le divorce. Pour moi, ces mots sont terribles. Une doctrine vraie ne peut pas entrer en contradiction avec la vérité des personnes.

En prenant cette position entre les deux Synodes sur la famille, ne craignez-vous pas d’ajouter  à la confusion et de focaliser le débat sur la seule question des divorcés remariés ?

Mgr J.-P. V. : En réalité, ce livre n’aurait jamais dû être écrit car il y a longtemps que l’Église ne devrait plus traiter d’adultères des personnes qui sont fidèles depuis des années à une deuxième alliance, au nom du Christ.

Les divorcés remariés ne devraient plus être un sujet pour le Synode qui, effectivement, a de nombreux autres enjeux à aborder. Traitons-le rapidement et passons au reste.

En tant qu’évêque, n’avez-vous pas peur de participer à une forme d’opposition dans l’Église ?

Mgr J.-P. V. : Ce dont j’ai peur, c’est d’être instrumentalisé par ceux qui jugent l’Église rétrograde. Or, je m’inscris totalement à l’intérieur de l’Église. Ce qui me révolte, c’est de la voir abîmée, caricaturée sur cette question-là.

Je me situe dans le débat ouvert par le pape François lui-même en envoyant un questionnaire à tous les baptisés. Au titre de la synodalité, j’apporte des éléments au débat. Le pape pose des questions, j’y réponds.

Qu’attendez-vous du prochain Synode ?

Mgr J.-P. V. : J’aimerais que l’Église puisse donner aux ministres de la réconciliation l’autorisation de permettre à certains de faire face à leur passé, de regarder les raisons de la rupture, d’examiner leur responsabilité, afin de pouvoir demander pardon de cette brisure. Non pas un droit au pardon mais un droit à pouvoir demander pardon.

En touchant à la discipline, ne remettez-vous pas en question la doctrine de l’Église ?

Mgr J.-P. V. : Personne ne remet en cause la doctrine de l’indissolubilité. Les personnes qui souffrent de ne pouvoir communier en souffrent précisément parce qu’elles y croient.

Mais l’indissolubilité ne peut être réduite au mariage sacramentel. Le sacrement est une consécration de l’indissolubilité d’un amour véritable entre l’homme et la femme. Cet amour est le signe d’une réalité plus haute, et il est infiniment fort et fragile.

Qu’on marque ce signe en disant qu’on ne se marie qu’une fois, très bien, mais qu’en revanche on ne permette pas l’accès au sacrement de réconciliation, alors c’est une doctrine qui devient écrasante et ce n’est pas juste. Or je crois qu’elle est juste. Donc c’est notre manière de la recevoir qui ne l’est pas.

Aussi je crois qu’on peut changer la discipline pour servir mieux la doctrine. Si quelque chose, dans mes propos, met en jeu l’essence de la foi, alors je me rétracterai et je demanderai pardon. Mais qu’on me l’explique car, aujourd’hui, je ne comprends pas.

Recueilli par Bruno Bouvet et Céline Hoyeau

(1) Editions du Cerf, 112 p., 9 €

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