un » tchat » de Mgr Brunin

Invité par le journal  » La Croix » , Mgr Brunin , de retour du synode, répond en direct aux questions pendant une heure le mercredi 28 octobre

vitraille 2008

La Croix.com > Bonjour à tous,
Nous remercions Mgr Jean-Luc Brunin, évêque du Havre et président du conseil Famille et société de la Conférence des évêques de France, de retour de Rome, d’être avec nous, ce matin, pour répondre à vos nombreuses questions. Il ne pourra bien sûr pas répondre à tous, mais il va pouvoir nous éclairer sur les suites à donner à ces trois semaines de discussions sur la famille.

 

saskia > j’ai épousé un divorcé qui n’a pas obtenu l’annulation de son précédent mariage. Est-ce que l’Eglise va continuer à nous pousser vers une séparation ou du moins vers sa forme la plus hypocrite, c’est_à_dire une vie commune non conjugale ? est-ce que je dois dire à mes nombreux filleuls que je ne suis plus leur marraine sauf si je n’ai plus de vie conjugale avec mon mari ?

Mgr Jean-Luc Brunin > L’Eglise souhaite respecter l’histoire personnelle de chacun. Elle veut le faire dans la vérité et la justice. Le synode a souligné qu’il était essentiel de chercher les voies d’une meilleure intégration dans la communauté ecclésiale. Il a élargi les possibilités d’insertion et d’engagement dans la communauté. Cette recherche doit pouvoir être accompagnée par les pasteurs. Vous restez pleinement membre de la communauté des disciples du Christ.

 

phred > Que pensez-vous de la méthodologie de travail révisée par le Pape François ?

Mgr Jean-Luc Brunin > Un Synode qui prend son temps pour une question vitale : l’avenir de la famille, sa vocation et sa mission dans l’Église et dans la société. C’est la première fois qu’un Synode implique avec autant de détermination le peuple de Dieu dans son ensemble. C’est la première fois qu’un Synode suscite tant d’engouement dans les communautés chrétiennes et dans l’opinion publique. Il suffit de voir la large couverture médiatique de ce temps que nous venons de vivre. Dans mon diocèse, la démarche synodale a mobilisé bon nombre de chrétiens. Les communautés paroissiales ont mieux perçu leur responsabilité à l’égard des familles. Les fruits de cette méthode synodale voulue et conduite par le pape François sont déjà au rendez-vous… et la récolte n’est pas finie !

 

Je suis divorcé et n’ai donc plus le droit de comm > Je suis catholique pratiquant depuis mon mariage. Malheureusement divorcé malgré mon souhait, je n’ai donc plus le droit ni de communier ni de me confesser. Comment puis je retrouver le droit d’exister totalement en tant que chrétien croyant et toujours pratiquant ?

Mgr Jean-Luc Brunin > L’ouverture que le Synode a envisagée pour les personnes qui vivent votre situation offre une perspective d’ouverture et de cheminement. Je vous invite à rencontrer un prêtre en qui vous avez confiance et chercher avec lui comment vous pouvez progresser dans votre désir de vivre pleinement en « disciple-missionnaire » du Christ. Le Synode a redit que votre situation ne peut pas être une impasse, qu’un chemin existe et qu’il vous faut le trouver pour vous y engager (Relazione finale n° 84). Vous avez votre place dans l’Église, vous êtes appelé à prendre part à la vie de la communauté chrétienne et à participer à sa mission d’annoncer l’Évangile.

 

mimi69 > Je me réjouis tellement de tout ce qui s’est passé et de tout ce qui se passe dans notre Église depuis le merveilleux concile Vatican II ! Mais comme il nous aura fallu du temps pour que tout se qui était dit dans ce Concile passe… dans le peuple de Dieu, croyants et incroyants compris… Maintenant j’aimerais bien que nous les Chrétiens nous nous emparions plus de cette valeur qu’est la liberté de conscience qui à mon avis est à la source de toutes nos conversions nécessaires et indispensable pour être le plus fidèle à notre vocation d’enfant de Dieu. Qu’en pensez-vous ?

Mgr Jean-Luc Brunin > La vie chrétienne n’est pas d’abord la soumission à des règles et des lois, mais la suite du Christ consentie librement. Une des questions importantes du synode fut celle de l’articulation entre la loi objective et la conscience éclairée. Le Concile Vatican II a souligné l’importance de la décision personnelle prise en conscience. Celle-ci est éclairée par la Parole de Dieu et l’Esprit Saint. Comme Paul, nous pouvons dire que si le Christ nous a libérés, c’est pour que nous soyons vraiment libres. Cette liberté ne consiste pas à accomplir ce que nous voulons mais elle nous libère pour chercher la volonté de Dieu et l’accomplir. Dans nos communautés, nous devons retrouver le sens de la liberté chrétienne.

 

Chantal > Un de mes followers sur Twitter, un dominicain, disait à la fin du Synode que l?Église catholique devenait protestante. Pourquoi à votre avis ?

Mgr Jean-Luc Brunin > Je ne connais pas la motivation de cette remarque. Cependant, il me semble que les réflexions du Synode se situent pleinement dans la tradition catholique. Je prendrai un seul exemple : vous avez pu remarquer qu’il n’était plus fait mention de la communion spirituelle offerte comme une alternative à la communion eucharistique. Les Pères synodaux se sont interrogés sur la signification d’un parcours de vie chrétienne « désacramentalisé ». Cet exemple suffit pour contester cette appréciation.

 

Est-il envisageable d’ordonner prêtres des pères d > Est-il envisageable d’ordonner prêtre des hommes mariés, au seuil de leur retraite, lorsque leurs enfants ne sont plus à charge ?

Mgr Jean-Luc Brunin > Votre question est double. Il y a le fait de savoir s’il est envisageable d’ordonner des hommes mariés. Dans l’Eglise catholique latine, ce n’est pas envisagé. L’autre versant de votre question que je devine, est davantage utilitaire. Je m’interroge cependant s’il n’y aurait pas une réduction du ministère presbytéral. Serait-ce une activité qu’on pourrait assurer lorsque nous aurions du temps libéré par la retraite professionnelle ou lorsque les enfants ne sont plus en charge ? Ça me semble un peu réducteur comme perspective. Devenir pasteur, c’est une vocation qui donne sens à toute une existence et qui l’unifie dans un service total de la communauté des disciples du Christ. Cette suggestion est souvent faite devant le manque de prêtres. Mais comment alors ne pas donner l’impression que l’exercice du ministère ordonné est un engagement pour des gens qui voient se ralentir le rythme de leurs activités ou le poids de leur responsabilité parentale ?

 

Mamidile > Êtes vous heureux, fatigué, renouvelé, en rentrant de ce Synode? Qu’allez vous changer dans votre manière d’être et dans vos relations avec les familles?

Mgr Jean-Luc Brunin > Participer au synode a demandé un investissement personnel conséquent : il fallait discerner entre évêques vivant dans des contextes différents, faire effort pour comprendre ce qu’ils disaient à partir de leur expérience pastorale. Il fallait aussi mettre en forme les propositions avancées. Mais ce fut une riche expérience de discernement ecclésial au niveau de l?Église universelle. Cela m’encourage à poursuivre dans cette dynamique, étant attentif aux situations concrètes des familles. Comme nous l’a dit le Saint-Père, nous ne pouvons mettre notre tête dans le sable mais accueillir la réalité vécue par les familles et cheminer avec elles.

 

boyardmais > L?Église est-elle encore enseignante? Les fidèles sont-ils encore appelés à la sainteté? Jésus-Christ est mort faute de s’être «arrangé» avec le péché! Tristes déclarations entendues au synode remettant en cause jusqu’au fondement de la famille…

Mgr Jean-Luc Brunin > L?Église est « mater et magistra » (mère et enseignante). Si elle est enseignante, c’est parce qu’elle est mère. Aux familles qui vivent des situations parfois difficiles, aux jeunes qui cherchent à construire une vie de couple et fonder une communauté de vie, l?Église ne peut se contenter de leur donner le droit canon ou le catéchisme. Le synode a situé résolument l?Église dans une démarche de proximité et d’accompagnement. C’est dans un compagnonnage humain que l’on est appelé à faire valoir la Vérité de l?Évangile qui n’a jamais été remise en cause à un seul moment du synode. C’est à une attitude de proximité et de miséricorde que les communautés chrétiennes sont appelées pour annoncer à tous la Bonne Nouvelle de leur vocation à l’amour.

 

Agathe > Comment peut on prendre en compte les attentes du continent africain sans abandonner les questions propres à l’Europe ?

Mgr Jean-Luc Brunin > Durant le Synode, nous avons eu le temps de partager avec nos frères évêques venus d’Afrique. Au-delà des positions de principe, nous avons partagé les situations pastorales dans les communautés confiées à notre ministère épiscopal. Ce partage nous a permis de voir que, dans des contextes différents, nous nous trouvions devant les mêmes problèmes de l’accueil de situations complexes et parfois douloureuses pour les personnes et les familles. Par-delà les différences culturelles, nous communions à la même charité pastorale. C’est dans ce partage et ce discernement que s’est forgée une conscience commune de la nécessité de l’ouverture à tous et de l’accompagnement pour que chacun, là où il en est, puisse découvrir la vocation que Dieu lui adresse et chercher à y répondre de façon personnelle au sein d’une communauté intégrante.

 

agneau > Concernant les divorcés remariés vivant leur foi engagés profondément en Eglise, pourront ils cheminer vers la possibilité de recevoir les sacrements de la réconciliation et de l’Eucharistie en France?

Mgr Jean-Luc Brunin > La Conférence des Evêques de France qui se réunit la semaine prochaine reprendra les réflexions du synode. Le travail sera à poursuivre pour une réception de ces réflexions dans l’attente du texte du Saint-Père. Au-delà de cet aspect, il faut souligner que nous ne sommes pas invités à fournir des règles générales mais nous sommes invités à accompagner des cheminements personnels où des croyants se mettront en quête de ce que Dieu les appelle à vivre. On ne peut décider le terme du chemin avant de l’avoir parcouru.

 

Lecapitoule > Il y a un point qui disqualifie, à mon avis, ce synode partiellement. Pour parler de familles et de question de couples, il n’y a qu’une immense majorité d’hommes censés être célibataires. Que ces hommes soient des évêques ne change rien à l’affaire. Malgré la présence de quelques couples et quelques femmes, leur voix n’a pu être que marginale. C’est tout à fait regrettable.

Mgr Jean-Luc Brunin > Les réflexions des pères synodaux ont été enrichies par les apports d’auditeurs laïcs : couples mariés venus de diverses aires géographiques et culturelles. Par ailleurs, le document (Instrumentum laboris) à partir duquel les évêques ont travaillé durant trois semaines, comportait les réflexions du Synode de 2014 et des paragraphes nombreux qui faisaient écho des consultations dans tous les diocèses du monde, comme le Saint-Père nous y avait engagés. Je suppose que vous avez eu à c?ur de répondre à cette invitation du pape François et que vous avez exprimé votre avis au sein d’un groupe synodal dans votre diocèse.

 

val > Vous dites, dans une des réponses précédentes que la vie chrétienne n’est pas une soumission à des lois mais une liberté à suivre le Christ. Cependant, nous avons des lois, comme les Dix Commandements et tous les enseignements de Jésus nous donnent des indications pour le suivre. N’est-ce pas le rôle de l’Eglise de rappeler ces règles pour sauver beaucoup d’âmes de la géhenne dont parle Jésus?

Mgr Jean-Luc Brunin > Avec Saint Paul, il nous faut tenir que ce ne sont pas les lois qui sauvent mais la foi au Christ. Celui-ci nous offre un chemin de vie. Les commandements et les lois ne valent que comme support d’une relation d’alliance entre nous et Dieu. Les commandements et les lois ne sont pas des conditions préalables à un accueil par Dieu mais des balises d’un itinéraire personnel qui permet de répondre à sa volonté sur nous. C’est dans l’objectivité des lois mais aussi dans la liberté de la conscience éclairée par ces mêmes lois que le chemin de foi devient possible. Il mène alors vers le Salut que nous réserve le Père de Miséricorde.

 

jmlucienspda > Pour les divorcés remariés n’y a-t-il pas un risque de voir des situations semblables ou proches traitées différemment suivant l’interprétation de l’évêque du diocèse ? Problème que l’on connaissait déjà avant le synode…

Mgr Jean-Luc Brunin > L’arbitraire que vous craignez me semble conjuré par le fait que ce n’est pas l’évêque qui détermine le chemin de discernement. Celui-ci s’accomplit dans l’écoute de la Parole de Dieu et la docilité à l’Esprit Saint qui éclaire la conscience personnelle. L’évêque ne fait qu’authentifier le chemin parcouru dans la liberté qui est la condition de tout disciple de Jésus.

 

NAVARRA1 > Pourquoi tant de discussion sur la possibilité de communier pour les divorcés remariés, alors que tant d’entre eux communient sans culpabilité aucune, et ne se préoccupent pas de savoir quelle est la position de l’Église à ce sujet ? Jamais les menaces de damnation éternelle n’auront de prise sur eux, cela ne fonctionne plus aujourd’hui. Laissons leur conscience travailler, et arrêtons de perdre du temps et de faire voyager des prélats à grands frais pour discuter interminablement de ce petit sujet. Laissons un peu plus d’autonomie au pape.

Mgr Jean-Luc Brunin > Pensez-vous vraiment qu’il s’agisse d’un « petit sujet » ? Peut-être que des personnes divorcées et engagées dans une seconde union civile témoignent, comme vous l’affirmez, d’une attitude désinvolte à l’égard de la communion eucharistique. Il n’en demeure pas moins vrai que des personnes ayant vécu un échec conjugal, cherchant à se reconstruire dans un nouvel engagement et portant le souci de sauvegarder un équilibre familial pour leurs enfants, vivent une expérience souvent douloureuse et exigeante. Quand, en plus, ils souhaitent poursuivre leur parcours de vie avec le Christ, ils attendent de l’Église – dont ils font toujours partie (Familiaris consortio n° 84) – qu’elle puisse les accueillir, être attentive à leur situation et les accompagner sur le chemin à la suite du Christ.

 

hari > Le synode renforce la formation catéchétique des futurs époux. N’y a-t-il pas à craindre une trop longue formation qui pourrait détourner les couples du mariage chrétien ? Ne peut-on tenir compte d’une Validation des acquis de l’instruction religieuse et de l’expérience ? Merci Mgr

Mgr Jean-Luc Brunin > Je suis un peu mal à l’aise avec la perspective de validation des acquis de l’instruction religieuse. Lorsque des fiancés s’adressent à l’Eglise pour qu’elle les accompagne dans un projet de vie de couple, ils attendent d’être accompagnés. Il est important de leur permettre de relire leur expérience. Ils veulent fonder une famille mais leur projet est lié avec leur propre expérience de vie familiale. Il est important alors que la relecture de leur propre histoire, les contours de leur projet de couple, soient mis en rapport avec la Parole de Dieu. C’est elle qui les aidera à percevoir les exigences de l’engagement qu’ils préparent.

 

bruxelles2bis > Bonjour, je me suis mariée il y a trois ans. Mon mari a souhaité divorcer trois mois plus tard. Après en avoir discuté récemment avec le prêtre qui nous a marié, j’ai essayé d’obtenir le certificat pour faire une demande d’annulation du mariage. Mon ex-mari est très réticent à me le donner parce qu’il estime que cela le met en cause. Je pense que dans ces conditions je ne pourrai pas obtenir l’annulation.
Ceci m’a beaucoup affecté ces dernières années parce que cela m’empêche de me reconstruire. Je ne peux prétendre à me marier religieusement avec mon ami avec lequel je vis depuis un an et demi. Je voudrais savoir si le synode sur la famille pourrait nous ouvrir une porte pour nous marier ? Je vous remercie de votre réponse.

Mgr Jean-Luc Brunin > Le Synode n’a pas vocation d’ouvrir une porte pour votre situation. Mais il encourage à chercher un chemin par lequel vous pourrez sortir de l’impasse dans laquelle vous place, bien malgré vous si je comprends bien, la décision de votre premier conjoint. Le Synode, lorsqu’il parle de chemin de discernement, évoque une dimension essentielle : vérifier la qualité de relation avec le conjoint séparé. Que cette relation puisse être apaisée, qu’un pardon mutuel puisse être donné. Peut-être cet apaisement permettra-t-il à votre premier conjoint de consentir à faire examiner la non-validité sacramentelle de votre mariage. Quelles étaient ses dispositions intérieures lorsqu’il a pris cet engagement en Église ?
S’il s’obstine à refuser cette démarche que le Saint Père a voulue plus simple et plus accessible, il vous reste à engager un cheminement personnel, aidé par un prêtre, comme l’évoque le texte final.

 

Philibert > Quelle prise en compte des enfants d’une famille recomposée qui n’ont rien demandé d’une situation qu’ils subissent pour les aider à trouver aussi leur place dans l’Eglise ? Comment mieux penser à ces enfants surtout lorsqu’un remariage a lieu lorsqu’ils sont adolescents ?

Mgr Jean-Luc Brunin > Dans la définition d’un chemin de discernement, le synode a souligné l’importance de la reconstruction personnelle après un échec de vie conjugale. Cette perspective a été élargie à la cellule familiale. La séparation des parents est toujours un traumatisme pour les enfants. Le chemin proposé aux personnes divorcées et remariées civilement inclut l’examen de la situation des enfants. Les décisions prises ne concernent pas que la personne qui a vécu l’échec d’un premier mariage, mais aussi les enfants. On pourrait ajouter aussi la belle-famille. C’est la dimension sociale et ecclésiale de la séparation qui doit être prise en compte dans le chemin de discernement offert.

 

DomCharp > La Croix indiquait le 18/10 (dans son article « Le pape veut redynamiser le synode ») qu’une alchimie se dessinait entre les Cardinaux Kasper et Müller. J’y vois là un grand motif d’espérance quant à l’issue des travaux du synode. Peut-on nous en dire davantage ? Ce qui en ressortira sera-t-il audible par nos contemporains tout en étant profondeur et sens ?

Mgr Jean-Luc Brunin > Ce qui ressort d’essentiel et qui a recueilli le consensus de l’immense majorité des pères synodaux, c’est l’idée de pédagogie divine. Même dans les situations complexes et irrégulières, le Seigneur est à l’oeuvre. Accompagner ces personnes et ces familles est une nécessité pour l?Église. Elle est appelée à fonder sa pratique pastorale sur la certitude que la grâce de Dieu accompagne tout homme et toute femme pour que devienne possible la réponse à la vocation à l’amour qui concerne chacun. C’est bien l’oeuvre de la grâce divine de porter à l’achèvement ce qui est inachevé ; de porter à la plénitude ce qui est incomplet ; de porter à la perfection ce qui est imparfait. D’où l’idée d’un cheminement, d’une progression et d’une croissance qui nécessite une pastorale d’accompagnement. Je crois que ce sera audible mais surtout que cet intérêt et ce compagnonnage de l’Église servira la crédibilité de l’annonce de l’Évangile.

 

FrancoisB > Il est fréquent de rencontrer des catéchumènes adultes qui se sont mariés avec un catholique divorcé avant leur conversion. Ces personnes, sans aucune faute de leur part, ne sont pas baptisables. Avez-vous abordé cette question ?

Mgr Jean-Luc Brunin > Vous trouvez la prise en compte de cette situation dans le numéro 75 dans le texte de la Relazione finale. Vous le constaterez, il ne peut s’agir d’une décision automatique. Cette décision d’appeler au baptême nécessite un chemin de discernement effectué par le catéchumène et ses accompagnateurs, et qui doit être validé par l’évêque diocésain.

 

PND > Depuis que je suis divorcée et en concubinage, j’ai toujours communié. Suis je en faute ?

Mgr Jean-Luc Brunin > Au regard de la discipline des sacrements, vous avez conscience qu’il y a un problème. Mais il faut vous demander comment vous êtes parvenue à cette décision. Est-ce au terme d’une réflexion accompagnée ? Est-ce une décision que vous avez prise en conscience ? Ou bien une décision que vous avez prise à partir de votre propre appréhension de la situation sans vous soucier de ce que dit l’Eglise ? Qui que nous soyons, nous reconnaissons notre indignité lorsque nous nous approchons de la communion sacramentelle.

 

juju > Bonjour Mgr, je vous remercie de la délicatesse avec laquelle vous parlez des personnes ayant eu un échec dans leur première relation conjugale et qui désirent suivre le Christ tout en refaisant leur vie. La communion eucharistique n’est en effet pas un « petit sujet », c’est à ce sujet justement que j’ai tant de mal à divorcer dans la crainte de ne plus pouvoir ni communier ni recevoir le sacrement de réconciliation. C’est une grande souffrance !

chris21 > Après l’exercice admirable à de nombreux égards du synode , peut -on attendre, et si oui à quelle échéance un texte du pape (magistériel ?) sur la famille ? Dans un tel texte est-il envisageable d’enfin concrétiser par le biais d’une décentralisation « aculturée » le déverrouillage de l’accès aux sacrements de réconciliation et d’eucharistie pour des membres de couples en situation « irrégulières »(après bien sûr un parcours pénitentiel et une évaluation de la situation individuelle sous la responsabilité de l’évêque diocésain) ? En effet, quoiqu’on puisse dire , ce point est essentiel en Europe pour « rapprocher » le « peuple » de notre église.

Mgr Jean-Luc Brunin > Nous ne connaissons pas les intentions du Saint-Père sur les délais de la publication d’un texte magistériel sur la famille. Par rapport à la question que vous posez, il me semble difficile d’annoncer simplement la possibilité pour toute personne séparée et engagée dans une nouvelle union d’accéder aux sacrements de réconciliation et d’eucharistie. Une telle banalisation de la démarche serait inacceptable au regard de la tradition de l’Eglise. Le synode a privilégié la perspective d’un chemin de discernement pour clarifier le désir d’intégrer davantage la communauté chrétienne et de vivre en fidélité au Christ. Le résultat d’un tel chemin de discernement n’est pas le droit de communier mais la décision de répondre à ce que le Christ appelle à vivre.

 

gaston > Le discernement personnalisé qui me semble recommandé par le synode semble une très bonne voie. Par qui sera mené cet accompagnement individuel ?

Mgr Jean-Luc Brunin > Durant le synode, il fut question de la formation des prêtres et des agents pastoraux. L’accompagnement du chemin de discernement qui a été retenu par le synode, ne peut supporter l’amateurisme ou l’à-peu-près. Une formation à l’accompagnement est nécessaire pour les futurs prêtres. Mais ce service de l’accompagnement peut être assuré aussi par d’autres personnes (diacres, consacré(e)s, laïcs), qui seront formés à cet effet. Déjà aujourd’hui, dans mon diocèse, des laïcs, des religieux, des diacres et des prêtres, sont en formation pour l’accompagnement spirituel. Si les prêtres sont appelés en priorité à vivre ce ministère, ce n’est pas leur exclusivité.

 

John > De nombreuses églises chrétiennes existent. Les Anglicans par exemple permettent les mariages homosexuels. Pourquoi donc l’église catholique ne cherche-t-elle pas à garder sa spécificité, c’est à dire à suivre l’enseignement du Christ au sujet de l’homosexualité ? Et de biens d’autres sujets ? Par exemple on trouve des prêtres femmes, mariés dans les églises chrétiennes. La catholique n’a pas besoin de copier toutes les autres !

Mgr Jean-Luc Brunin > Ce que l’Église catholique décide ne se fonde pas sur une volonté de se démarquer des autres Églises ou confessions chrétiennes. Elle a la responsabilité de discerner, à la fois à partir du regard porté sur les réalités humaines et le coeur habité par la Parole de Dieu, ce que le Seigneur offre aux hommes. C’est bien de ce double regard sur la vie concrète des personnes et sur ce que porte la tradition chrétienne, que l?Église discerne le désir de Dieu sur l’humanité et définit ce qui est le meilleur pour elle. Ceci dit, en chemin, le dialogue oecuménique peut nous aider à progresser ensemble dans la l’approfondissement de la vérité de la Révélation d’un Dieu qui se communique aux hommes pour leur bonheur et leur salut.

 

jean > Quel accès aux sacrements de l’initiation pour quelqu’un vivant en couple et qui n’envisage pas, au moins à court terme, de se marier ? Actuellement, il est demandé que soit engagé une préparation au mariage, faute de quoi il ne peut pas être appelé au baptême.

Mgr Jean-Luc Brunin > Une telle décision ne peut être imposée comme une sorte de contrainte. L’essentiel est la découverte de ce à quoi le Christ nous appelle. L’Eglise fait entendre l’Evangile de la famille, faisant valoir qu’il est Bonne Nouvelle et Chemin de vie et de bonheur. Mais répondre à cette vocation reste un acte de liberté. Dans le domaine de la foi, il s’agit toujours de répondre à un appel du Christ authentifié en Eglise. Ce ne peut jamais être du domaine de la contrainte.

diogène > Je fais de la préparation au mariage depuis 15 ans. Beaucoup des jeunes fiancés sont éloignés de la foi et n’en ont quelques réminiscences, de sorte que deux thèses s’affrontent : saisir l’opportunité de prendre les gens où ils en sont et de les accompagner progressivement, leur donner du lait car se sont des nourrissons dans la foi chrétienne. Ou bien, seconde thèse, saisir cette occasion pour les former a une catéchèse plus approfondie, plus longue, quitte à marier moins mais « bien » . Qu’en pense l’Église ?

Mgr Jean-Luc Brunin > S’agit-il vraiment d’une alternative ? Il ne peut être question de faire le catéchisme aux jeunes qui se présentent à la communauté chrétienne pour être accompagnés vers le mariage sacramentel. Il importe qu’ils réalisent, à-travers les personnes de l’équipe de préparation au mariage, que c’est bien une communauté croyante qui les accueille et les accompagne. C’est un chemin de mûrissement de leur projet éclairé par la foi qui doit leur être proposé. Je vous invite à découvrir dans le texte final du Synode (n° 57 et 58) ce qui a été présenté comme proposition d’un itinéraire de préparation au mariage. Il inclut une démarche de type catéchuménal.

 

salsa > Bonjour Mgr, à l’issue de ce synode, comment l’Eglise propose-t-elle de rejoindre et accueillir les couples homosexuels croyants et pratiquants?

Mgr Jean-Luc Brunin > La question des personnes homosexuelles a été resituée dans la réflexion plus globale sur la famille. Toute personne est située dans une cellule familiale. Le synode a reconnu l’importance d’un accompagnement des familles dont l’un des membres avait une orientation homosexuelle. Cette situation est souvent perturbante pour la cellule familiale. L’accompagnement des personnes homosexuelles doit pouvoir prendre en compte ce que cette situation provoque autour d’elle. Pour ce qui est du cheminement des personnes qui veulent suivre le Christ, divers mouvements existent qui permettent de tracer un chemin de fidélité au coeur des situations vécues.

 

Mjs > Sur quelle base théologique, autre que la loi de reproduction via l’exercice de la sexualité, l’Eglise limite-t-elle le mariage aux couples hétérosexuels ?

Mgr Jean-Luc Brunin > Le synode a réaffirmé que l’union entre deux personnes de même sexe ne pouvait être assimilée au mariage. Celui-ci repose sur l’union d’un homme et d’une femme qui décident de former un couple ouvert à la vie et fondateur d’une vie familiale. Ceci ne signifie pas qu’il n’y a aucune valeur vécue dans la relation entre deux personnes du même sexe (amitié, confiance, soutien…). Nous sommes dans un autre registre que celui de la conjugalité qui est fondatrice d’une famille.

 

 

Mike > Monseigneur,
Je suis divorcé depuis 20 ans et remarié et je suis concerné par le résultat du Synode. Je suis déçu du résultat qui est incompréhensif. Que veut dire que l’examen sera au cas par cas ? J’estime que le Pape après un an d’attente devait prendre une décision définitive. Merci de votre réponse

Mgr Jean-Luc Brunin > Vous semblez déçu du fait que la perspective ouverte est celle d’un cheminement et d’une prise en compte de la situation personnelle de la personne dans la situation que vous décrivez. Pourtant, l’appel de Jésus et la rencontre avec lui, c’est toujours personnel… c’est du cas par cas. Jésus n’a jamais « enrôlé » des disciples à partir d’un format unique, il a appelé chacun d’entre eux et ceux-ci se sont mis en route avec leur tempérament, leur histoire personnelle. Soucieux de contempler la manière de faire de Jésus, le synode a souligné qu’il était essentiel de porter attention à chaque parcours de vie, aux situations concrètes, au contexte particulier. Je vous engage à rencontrer quelqu’un qui pourra vous accompagner sur un chemin de discernement pour découvrir à quoi le Seigneur vous appelle, comment il vous invite à mieux intégrer la communauté de ses disciples.

 

chris21 > Le mérite du synode n’est -il pas finalement d’avoir permis la maturation et le dialogue afin de permettre au pape, dans les mois à venir de prendre des décisions/orientations qui bousculeront un peu certains prélats « pro statu-quo » ?

Mgr Jean-Luc Brunin > Le Saint-Père, vraisemblablement, reprendra la parole à partir des réflexions que les pères synodaux lui ont remises. Nous commençons à le connaître suffisamment pour savoir que son souci ne sera pas de recadrer qui que ce soit, mais d’appeler l’Eglise à adopter une attitude juste à l’égard des personnes et des familles. Et cette attitude juste se mesure à l’aune de la Miséricorde de Dieu que Jésus est venu nous révéler.

 

val > L’Eglise semble vouloir diminuer l’importance du péché des divorcés-remariés communiant à l’eucharistie pour les faire rester. Pourquoi l’Eglise ne dit-elle pas clairement que c’est une faute? J’ai l’impression que le mot « péché » est tabou dans la société et finit par l’être dans l’Eglise. Qu’en pensez-vous?

Mgr Jean-Luc Brunin > Le chemin de discernement proposé par le synode inclut une dimension pénitentielle. Cela indique clairement que l’Eglise considère l’échec d’une vie conjugale comme une marque du péché qui affecte notre humanité. Ce chemin de discernement inclut l’anamnèse de l’échec pour y mesurer la part de responsabilité personnelle dans la situation. Il ne me semble pas qu’ait été occultée cette perspective du péché qui marque l’humanité. Le synode n’a pas fait d’angélisme mais il a voulu aussi que soit possible d’accueillir la Miséricorde du Père et l’Espérance qui peut toujours renaître chez le pécheur repenti et pardonné.

 

fauvette > Peut-on exiger d’une femme ou d’un homme, abandonné(e) par le conjoint pour une autre personne, de rester seul(e) toute sa vie, et de ne pouvoir reconstruire sa vie avec un(e) autre? Quelle attitude aurait eu Jésus d’aujourd’hui ?

Mgr Jean-Luc Brunin > Il me semble impossible de donner une réponse à une telle interrogation existentielle. Ce qui importe, pour un chrétien, c’est de découvrir ce à quoi il est appelé par le Seigneur. Un tel discernement demande à être accompagné et éclairé. C’est la personne elle-même, dans la liberté de sa conscience, éclairée par le discernement entrepris, qui peut apporter réponse à cette question.

 

olivier Florant > Comment se fait-il qu’un sacrement définitif comme le mariage ne bénéficie -t-il pas d’une préparation en conséquence pour maximiser les chances de durée dans la fidélité ? Il existe des travaux universitaires qui ont donné lieu à des programme de préparation dont certains ont été testés avec succès par l’Eglise allemande. Pourquoi n’organise -t-on pas de tels programmes en France ?

Mgr Jean-Luc Brunin > En 2002, l’Assemblée des évêques de France a promulgué, après une réflexion sur deux années, des orientations pour la pastorale du mariage. Les éléments sur lesquels vous insistez, avec raison, y ont été explicités. Nous avons beaucoup progressé depuis pour la préparation au sacrement de mariage, notamment sur la question du temps et de la démarche catéchuménale. Vous prendrez connaissance avec profit, je pense, de ce que le document final du Synode dit de la préparation au mariage (n° 57 et 58).

 

Xavier Josset > Monseigneur, MERCI de tout coeur pour votre belle réponse à « fauvette ».

 

onesime > Les questions posées s’inscrivent dans un « permis »/ »défendu »… La réponse est chemin, discernement de situation… N’est-ce pas l’éternel malentendu entre ce que dit l’Eglise et ce que veulent entendre les personnes concernées?

 

notnaf > Une plus grande autonomie du couple sur ses choix contraceptifs est-elle acquise ?

pas celle d’une paternité et d’une maternité responsable. Dans la réflexion du synode Mgr Jean-Luc Brunin > Le synode a réaffirmé l’importance de l’encyclique « Humanae Vitae ». Elle mettait à jour les dangers d’une mentalité contraceptive qui risquait de porter atteinte au respect du conjoint et de transformer l’enfant en un produit qu’on pouvait acquérir quand on voulait. Une telle perspective n’est, tenant cette prévenance à l’égard de la mentalité contraceptive, il a été fait appel à la conscience droite et éclairée pour exercer une paternité et maternité responsables. L’appel à la régulation naturelle des naissances participe d’un appel à la perfection évangélique. Saint François de Sales rappelait, dans son traité de l’Amour de Dieu, que la réponse à cet appel se fait dans des cheminements qui tiennent compte de « la diversité des personnes, des temps, des occasions et des forces, ainsi que la charité le requiert ».

 

Est ce que > J’ai beaucoup apprécié, la question de « mamidile », qui vous a demandé, si vous étiez satisfait, d’avoir assisté et participé au Synode. Je pense moi, qu’il doit être revigorant, pour un évêque ou un prêtre, de participer à toute forme de débat, d’ordre sociétal, parce que c’est la preuve absolument indubitable, que la chrétienté, aujourd’hui, est soucieuse de venir en aide, spirituellement, aux familles, (sachant qu’une seule personne, même si elle vit seule, est un début !), et que c’est à la base même de leurs problèmes, qu’on est en mesure, de les soutenir, au quotidien.

 

MicMac > Bonsoir Monseigneur, comme vous le savez, de nombreux couples jeunes divorcent après quelques années de mariage. Ils ne peuvent plus se remarier a l’église alors qu’un prêtre, réduit a l’état laïc, peut se marier à l’église. Ne croyez-vous pas que l’Église devrait s’ouvrir a ces jeunes couples ou plus anciens ? Merci

Mgr Jean-Luc Brunin > Un prêtre ayant quitté le ministère, ne peut se marier qu’au terme d’une procédure qui lui permet de revenir à l’état laïc. Pour les époux en échec conjugal, c’est la procédure de reconnaissance de l’invalidité de leur mariage sacramentel qui est proposée. Le Saint-Père a souhaité que cette procédure soit plus accessible à tous ceux qui veulent y recourir. Mais plus largement, le pape François se montre préoccupé de l’intégration ecclésiale des personnes qui ont le sentiment d’être marginalisées. Il l’a encore réaffirmé à l’Angélus de dimanche dernier. Le Synode a fait sien ce souci d’intégrer en Église toutes les personnes et les familles qui le souhaitent. Et cela, quelle que soit la situation dans laquelle elles se trouvent. C’est pourquoi il est question d’un chemin de discernement qui permet aux personnes de mettre à jour et de clarifier les motivations profondes de leur volonté de vivre en Église.

 

Mamidile > Père, avez-vous senti pendant ce synode quelque chose d’une nouvelle manière de se parler entre évêques, et de parler dans l’Église et en son nom?

Mgr Jean-Luc Brunin > Nous avons vécu pendant trois semaines une expérience passionnante. Nous n’étions pas là pour défendre des positions et ramener l’autre à notre point de vue. Nous étions ensemble pour discerner ce à quoi l’Esprit appelait l’Eglise pour accompagner les personnes et les familles dans la diversité de leurs situations. Nous l’avons fait comme pasteurs d’une Eglise particulière, porteurs de la vie, des joies, des difficultés et des souffrances des familles dans nos diocèses. C’est ainsi que s’est imposée peu à peu l’idée d’un chemin de discernement à accompagner. Cette attitude pastorale s’enracinait dans « la pédagogie divine » évoquée lors de la première session synodale. C’est finalement dans une théologie de la grâce que le synode a fondé ses propositions remises au Saint-Père. Cette démarche rejoint la synodalité à laquelle le Saint-Père invite l’Eglise à tous les niveaux, de la paroisse au Synode des évêques, en passant par les diocèses et les conférences épiscopales.

 

Syndie > Bonjour, j’ai 39 ans, je réside dans l’Ain et je désire me faire baptiser. J’ai commencé mon catéchumène mais le baptême m’est refusé car mon mari est une personne divorcée d’un premier mariage et qu’au yeux de l’église il est toujours marié. Ceci me touche énormément et m’attriste. Cependant je n’y suis pour rien dans cette situation et je me retrouve privé de ce baptême. J’ai appris qu’une personne vivant non mariée civilement et qui vit en couple est autorisée à recevoir le sacrement du baptême sans aucun problème, je trouve cela vraiment injuste car, si l’on réfléchi bien, cette personne vit dans le péché. Pouvez-vous me donner une explication concrète à cette situation et une solution possible ? Cordialement

Mgr Jean-Luc Brunin > Je comprends que vous ayez un sentiment d’injustice en constatant qu’est accordé à une autre personne qui semble être dans la même situation que vous, ce qui vous est refusé. Je pense que les propositions du synode permettent de sortir de ce qui peut paraître comme de l’arbitraire. Dans la situation que vous évoquez, il ne s’agit pas d’appliquer une loi mais de consentir à un cheminement qui permet d’approfondir le désir de vivre la vocation que Dieu assigne à toute personne. Nous sortons d’une logique du permis et du défendu pour entrer dans un cheminement accompagné. Les réflexions du synode peuvent aider à redécouvrir que la foi est un itinéraire déterminé par une vocation personnelle révélée et une promesse garantie par le Christ.

 

jean > Qu’est la famille quand on est célibataire sans enfant avec deux parents vieillissants et un frère est décédé ? Par expérience, je m’aperçois que ma famille (oncles, tantes, cousins, cousines) est réellement absente à mes cotés. Ma famille semble plus être l’Eglise car là j’y trouve contact, soutien. Je ne savais pas qu’on pouvait passer au rang des oubliés quand on vit la vieillesse des parents. J’ai du mal à guérir de cette indifférence car j’aime ma famille. Seul l’accompagnement psychologique et une vie de foi me permettent de la supporter.

Mgr Jean-Luc Brunin > Lors du Synode, la situation des personnes célibataires a été évoquée comme ne pouvant être négligée au sein de la famille comme au sein de la communauté chrétienne à la vie de laquelle ils prennent part (Relazione finale n° 22). Votre expérience familiale se trouve marquée aujourd’hui par la présence attentive auprès de vos parents qui vivent le vieillissement, la maladie et la perte d’autonomie. C’est tout à votre honneur de prendre soin de vos parents âgés. Je comprends votre souffrance de constater l’absence des autres membres de votre famille à vos côtés, car ce que vous vivez est souvent lourd et vous place dans un sentiment de solitude. Le Synode a aussi appelé les communautés chrétiennes à porter le souci de la présence et de l’accompagnement des personnes célibataires. La communauté de foi doit pouvoir devenir la famille de ceux et celles qui souffrent de l’isolement. La paroisse est une « famille de familles » (R.f n°77), une fraternité fondée sur la foi au Christ. Vous devez pouvoir y trouver des frères et soeurs qui vous soutiennent dans la situation que vous vivez actuellement.

 

pseudo bis > Dans la religion orthodoxe, on admet que l’erreur est humaine ; un divorcé remarié une fois peut participer aux sacrements.. Bis repetita displacent, ou perseverare diabolicum est, c’est valable une fois, pas deux ! La religion catholique ne pourrait elle pas copier les orthodoxes ?

Mgr Jean-Luc Brunin > Ce n’est pas ce que le Synode a retenu comme pertinent pour de telles situations. C’est une invitation aux personnes, dans la situation que vous décrivez, à réaliser un cheminement qui mette au clair leurs motivations profondes pour s’intégrer dans la communauté ecclésiale et y participer sacramentellement. Ce cheminement demande du temps pour assurer des étapes nécessaires. Le terme n’en a pas été fixé car il appartient à la fois à la liberté de la personne, à la liberté du Dieu Miséricordieux et au discernement en Eglise, garanti par l’évêque. Nous sommes dans l’ordre d’une démarche spirituelle plus que l’application de ce qui deviendrait une nouvelle norme juridique.

 

drère des campagnes > Comment donner une place, écouter les baptisés, les associer aux réponses à donner aux questions? Tout baptisé doit pouvoir dire son mot, femme et homme!

Mgr Jean-Luc Brunin > Votre question est pertinente. Elle rejoint tout à fait l’invitation du pape François qui, lors de la célébration du 50ème anniversaire de l’institution du Synode des évêques, nous a parlé d’une Eglise en synodalité. Il a insisté sur l’importance de se donner des espaces de rencontre et d’échange où l’ensemble du Peuple de Dieu puisse être écouté… et surtout entendu par les pasteurs. Cette synodalité doit se vivre, a-t-il poursuivi, à tous les niveaux : paroisses, diocèses, conférences épiscopales, Synode des évêques. Cette synodalité se vit « sub Petro ». C’est-à-dire en communion avec l’évêque de Rome chargé de garantir la communion et l’unité de la foi. Les instances locales et diocésaines où se vit la synodalité ne manquent pas : conseil paroissial, équipe d’animation pastorale, conseil pastoral diocésain, conseils autour de l’évêque, etc.

 

lebourg > Père, je ne comprend pas votre phrase sur l’encyclique Humanae Vitae de Paul VI qui a éloigné de l »Eglise un si grand nombre de femmes, et apporté une incompréhension totale de la plupart des chrétiens et de nombreux prêtres. La contraception est vraiment un lieu de liberté pour les couples, il est temps que l’Eglise le formule et y réfléchisse.

Mgr Jean-Luc Brunin > Ce que j’ai exprimé dans l’interview que vous citez, c’est l’importance de la mise en garde que le pape Paul VI faisait dans Humanae vitae à propos de la mentalité contraceptive. Ce qui fut irrecevable, dans le contexte de mai 68, c’est la dimension des interdits que l’encyclique posait. Si nous voulons garder le meilleur d’Humanae vitae et servir, aujourd’hui encore, sa réception parmi les chrétiens, il faut maintenir la prévention des méfaits de la mentalité contraceptive qui porte atteinte au respect de l’épouse et qui, peu à peu, transforme l’enfant en un « produit » qu’on acquiert au moment où on veut, ou aujourd’hui avec l’évolution des techniques de procréation, comme on veut. L’accueil de l’enseignement de l’encyclique qui garde toute son actualité passe par un renvoi plus explicite à la conscience éclairée des époux, afin qu’ils exercent une paternité et une maternité responsables, non sur la base d’interdits, mais dans une décision personnelle et concertée.

 

jan > Pourquoi pas un catéchuménat avant le « mariage-sacrement », avant une cérémonie officielle au démarrage admetttant vie commune (en fait ils sont pratiquement tous en cohabitation) mais en prenant le temps d’approfondir la préparation au sacrement ?

Mgr Jean-Luc Brunin > Votre proposition comporterait un risque : celui de transformer le mariage sacramentel en une sorte de démarche de régularisation d’une situation de fait. Cela occulterait la part de nouveauté qui surgit au coeur de la célébration du sacrement de mariage. Le Synode n’a pas proposé une telle démarche. Ce qu’il a suggéré, c’est de regarder de façon positive ce que des jeunes vivent déjà dans une cohabitation. Il s’agit alors d’accompagner en valorisant ce positif déjà vécu, et qui est déjà de l’ordre de la grâce : la rencontre, la décision de partager une histoire, la confiance envers l’autre qui s’affermit. Ce sont autant d’éléments à partir desquels nous pouvons faire découvrir à ces jeunes adultes, le chemin que le Seigneur leur propose de poursuivre pour répondre pleinement à son projet et à leur vocation à l’amour. Il ne peut s’agir d’instituer un mariage par étapes, mais de rejoindre et d’accompagner des jeunes dans cette expérience afin que la grâce de Dieu puisse porter à son achèvement ce qu’elle a déjà initié dans leur vie.

 

pons > Mgr Brunin, dans votre entretien sur KTO vous dites à plusieurs reprises que vous rencontrez des jeunes qui vous disent qu’ils ont un projet de vie commune. Qu’elle chance avez -vous ! Nous en équipe de préparation au mariage nous ne rencontrons que des couples qui partagent depuis longtemps déjà ( 5 à 10 ans en général ) leur vie en commun . Vivons nous sur la même planète ? Est-ce de la même manière que l’on doit aborder le mariage pour des situation si différentes ?

Mgr Jean-Luc Brunin > Tous les jeunes qui choisissent de vivre ensemble ne viennent pas s’adresser à l’Eglise pour qu’elle les accueille et les accompagne dans la préparation du mariage sacramentel. Cela veut dire que les jeunes qui vivent cette démarche en direction de la communauté chrétienne, portent en eux – sans toujours savoir bien l’exprimer – une attente que les personnes de l’équipe de la pastorale du mariage doivent pouvoir aider à expliciter. Il devient possible alors d’accompagner un cheminement, dans la durée, pour laisser entrevoir la nouveauté que révèle l’Evangile et qui peut donner sens à ce qu’ils veulent vivre. L’amour est toujours traversé par un « pour toujours » que la Parole de Dieu vient révéler et préparer pour un engagement « que Dieu élève au rang de sacrement ». Ce n’est pas sur une autre planète que je rencontre ces jeunes fiancés qui disent leur bonheur d’avoir vécu ce cheminement en Eglise, en lien avec une communauté qui les a aidés à identifier leur désir profond, à la lumière de la foi au Christ.

 

Anne > Bonjour Monseigneur, qu’est-ce que propose concrètement aujourd’hui l’Eglise aux enfants dont les parents ou l’un des parents a choisi en son âme et conscience de divorcer, pour ne pas casser l’espérance de la joie de la famille? Merci pour votre éclairage.

Mgr Jean-Luc Brunin > Le Synode n’offre pas de solutions toutes faites à la question que vous posez. Il insiste surtout sur le fait que toute avancée dans une situation difficile suppose la volonté de se mettre en route pour découvrir la volonté du Seigneur. S’engager dans un tel cheminement repose sur la confiance dans le travail de la grâce qui ne manque jamais à celui qui cherche à comprendre la volonté de Dieu et à découvrir ce qu’il l’appelle à vivre. Ce chemin de discernement ne peut s’effectuer que dans l’écoute de la Parole de Dieu et dans un accompagnement en Eglise. Etre accompagné, c’est la garantie que ce que je perçois du désir de Dieu sur ma vie, n’est pas la projection de mes souhaits personnels, mais ce que Dieu me révèle. L’objectivité d’un échange avec un accompagnateur garantit la qualité du discernement.

 

Concorde > En France, la question de l’accession aux sacrements des divorcés remariés est un des points soulevant le plus d’attentes. Le texte final du Synode ouvre des pistes pour le baptême, et au cas par cas, et après discernement, la possibilité d’accéder à la communion et au sacrement de réconciliation. Dans les faits, en France, n’est-ce pas simplement ce qui se passait déjà ?

Mgr Jean-Luc Brunin > Vous évoquez des pratiques qui risquent de laisser s’insinuer de l’arbitraire dans les pratiques pastorales d’accompagnement. Ce n’est pas l’esprit des perspectives retenues par le synode. Le cheminement de discernement proposé vise d’abord à éclairer la conscience de la personne afin qu’elle puisse découvrir où est son bien spirituel. Consentir à un cheminement de discernement, c’est se laisser guider par la Parole de Dieu et éclairer par l’Esprit Saint. Cela s’accommoderait mal avec la détermination préalable du terme de la démarche. Dans la vie spirituelle, le chemin se découvre en avançant, dans la docilité à l’Esprit. Ce qui est le plus précieux, c’est la maturation et la croissance dans une vie de foi.

 

dada > Monseigneur,le synode a-t-il ouvert une porte au baptême pour les catéchumènes en situation de cohabitation ?

Mgr Jean-Luc Brunin > Le Synode veut attester auprès de ces personnes qu’un chemin est possible, s’ils le veulent. Il a attesté que la communauté chrétienne était prête à chercher avec elles ce chemin et à les accompagner. Le terme n’est pas fixé d’avance car c’est une question de mûrissement d’un désir de vivre une suite du Christ. L’appel reçu du Seigneur vient renouveler le regard qu’elles portent sur leur vie. Tout est à reconsidérer à partir de cet appel : leur façon de conduire leur existence, et aussi leur projet de vie de couple. Ce n’est pas une porte qui s’ouvre et qui fait entrer dans autre chose, mais c’est un chemin qui s’offre, éclairé par l’Evangile, pour une croissance dans la foi au Christ et la conversion de tous les aspects de la vie. C’est une telle démarche que le Synode appelle à accompagner.

 

La Croix.com > Ce tchat arrive à son terme, même si vous avez encore de nombreuses questions ! La réflexion sur le synode est loin d’être terminée et va se prolonger dans notre journal et sur notre site. Nous remercions chaleureusement Mgr Brunin d’avoir bien voulu être avec nous, ce matin. A bientôt !

bandeau personngris