20 mars témoignage de Pierre-Henri

Pourquoi je ne demande pas la nullité du sacrement de mon premier mariage

Quelques mots en introduction : je m’appelle Pierre-Henri Pairault, j’ai 54 ans. Je me suis marié une première fois à 24 ans, j’ai divorcé et je me suis remarié civilement en 2008. J’ai 7 enfants et j’habite en région parisienne. Mon propos est de partager un témoignage personnel : en aucun cas, je ne cherche à critiquer les personnes qui ont engagé à une démarche en nullité et les prie de m’excuser par avancer si mes propos pouvaient les blesser.

En premier lieu, j’ai toujours eu beaucoup de mal à cerner la notion de « nullité du sacrement de mariage ».

  • Un abus de langage fréquent consiste à parler de « nullité du mariage » au lieu de nullité du sacrement ce qui montre combien cette notion est complexe et requiert une subtile distinction que la plupart des gens ont du mal à appréhender 
  • Ce terme est potentiellement blessant pour les enfants nés de ce mariage : bien difficile pour des enfants nés d’un mariage « nul » de ne pas se sentir un peu nuls eux aussi ou en tout cas de s’interroger sur la valeur du lien qui est à leur origine
  • Enfin, dans quelle mesure un sacrement est-il « nullifiable » ? Je ne crois pas que la réconciliation ou le baptême puissent être déclarés « nul ». Admettre qu’un sacrement est déclaré nul a posteriori, c’est jeter un doute sur la validité de tous les sacrements

Plus fondamentalement, je ne souhaite pas réécrire mon histoire et réajuster le passé pour qu’il corresponde au présent. Il est difficile de revoir à la baisse, longtemps après, la valeur des actes posés à l’époque en mon âme et conscience. Ce mariage a eu de nombreux témoins : je ne peux pas changer ce qui a été fait devant ACet revisiter après coup ce qui avait été partagé à l’époque. La démarche de nullité me fait toujours penser à « 1984 » de Georg Orwell, lorsqu’il faut modifier dans les archives les chiffres du Plan pour les rajuster à ce qui a été réellement réalisé … ou lorsqu’intervient un changement d’alliance et que la nation qui devient allié après avoir été ennemie et soudainement présentée comme un allié de toujours. En réalité, je me suis bel et bien engagé, tous mes amis et ma famille en ont été témoins et il ne me parait pas possible de dire que cet engagement n’a pas eu lieu – quand bien même il s’est avéré être une erreur.

Enfin, la démarché de nullité, en mettant l’accent sur la validité du sacrement, manque l’essentiel, qui est la recherche d’un pardon. Le point central de mon premier mariage n’est pas d’évaluer la validité du sacrement mais de pardonner mon erreur. C’est cet aspect qui est le plus important : je me suis trompé dans le choix de mon conjoint et j’ai entrainé d’autres dans mon erreur. C’est une erreur humaine, explicable par mon tempérament, mon éducation, mon manque de maturité. Mon attente principale est d’être pardonné et d’être capable de me pardonner à moi-même, ce qui est peut-être plus difficile encore et pour lequel j’ai besoin de l’aide de ma communauté et de Jésus. Ce n’est donc pas le sacrement qui est en jeu mais la reconnaissance de mon erreur et le pardon que je peux recevoir – et la pleine réintégration qui s’ensuit. En ce sens, la vision des Chrétiens Orthodoxes me parait plus ajustée à la réalité humaine des personnes divorcées … et le parcours Bartimée un chemin intéressant à explorer.

Pierre-Henri Pairault

Mars 2021